Mercredi 18 avril 2012 [20:41]
Un jour, je vous raconterai ce que je vois et entends au boulot. Un jour, je prendrai des photos des cicatrices du Dr I. pour que jamais vous n’alliez vous faire opérer là bas. Et j’entends de plus en plus de patients me dire qu’ils entendent de mauvaises choses sur leurs chirurgiens.
Je supporte des tas de trucs comme le pipi-caca-vomi. Je touche à tout. Je fais des trucs hallucinants. J’vous dis, un jour je vous raconterai. D’ailleurs, je vais peut être le faire maintenant parce que Poupinou regarde Game of Thrones. Je vais m’improviser Serpy même si j’y arriverai pas parce que cette fille est unique au monde mais qui tente rien n’a rien.
[Anecdote n°1] Dr I. ou le chir boucher.
D’abord il faut savoir qu’à la clinique il y a deux étages et quatre services. Au deuxième, il y a la chir. de semaine et l’ambu. Au premier, il y a la chir. ortho et la chir. viscéral/dig/uro, tout ce que tu veux.
Donc moi j’étais du côté ortho et là je vois ma collègue courir comme une tarée et là j’me suis dit qu’il y avait un bug dans le système. (Oui parce que les infirmières, ça court pas. Enlève toi ce mythe tout de suite de la tête. Ya que moi qui fait ça.) Il était un peu plus de 20h et mon collègue finissait le dernier tour donc je me détache pour voler au secours de ma collègue. Et là, j’ai assisté à une scène d'horreur. J'ai cru que Jacques l'éventreur était revenu et j'ai failli m’étaler sur un bain de sang. Elle m’explique brièvement que le patient s’est fait opérer d’un lipome au niveau du dos et que la cicatrice a lâché et que maintenant ça pisse le sang. Dans un moment de lucidité, je me suis dit qu’il fallait appeler le chir. pour qu’il le reprenne au bloc. Ma collègue tentait désespéremment de stopper l’hémorragie mais vu les circonstances, c’était totalement impossible. Alors pendant ce temps là, j’appelle le chir. et là je vous passe tous les noms d’oiseaux qui m’ont été proférés. Je lui dis que c’est urgent, qu’il faut qu’il vienne immédiatement et qu’il y a pas à discuter. Après quinze minutes de tergiversations, il se ramène enfin. Il fallait aussi un anesthésiste alors j’appelle celui de garde et lui annonce que son repas familial est annulé. Je vous passe également la manière dont il m’a envoyée paître. (T'as vu, je parle very well.) Et là le chir., dans la chambre siouplaît, se met à appuyer sur la cicatrice et évidemment ça sortait en jets entre les fils qui restaient.. Et d’un air nonchalant, il nous sort que : "Oh, c’pas bien grave, ça va s’arrêter." Et là je crois que je me suis jamais autant énervée de toute ma vie et de sang froid je lui rétorque en hurlant de toutes mes forces que non ! Ca passera pas tout seul ! Qu’il faut qu’il le reprenne au bloc ! Et tout de suite ! Et que le patient est en train de crever sous mes yeux et que je laisserai pas faire une chose pareille ! Il a quand même fini par m’écouter. (J'crois que je l'ai réveillé un peu en fait.) Au passage, je fais une prise de sang pour contrôler l’hémoglobine avec un bruit de fond qui me disait : "Mouais oh, mais pourquoi faire ?" Je l’écoutais même plus. Et j’ai bien fait parce qu’à force de se vider, le patient s’est retrouvé avec 7,2g d’hémoglobine et a eu le droit à une transfusion en urgences. (Les normes de l'hémoglobine pour un homme est de 15 à 17g/100mL. Autrement dit le double.)
T’as déjà vu ça quelque part toi ? Moi jamais. J’aurais pas appelé, on m’aurait enlevé mon DE sur le champs pour non assistance à personne en danger et là j’appelle et je me fais engueuler. C’était une urgence vitale là, yavait pas à discuter. Mais lui, il l’a fait. Et si j’avais pas insisté, il serait mort. (Non je n’exagère pas.) C'est honteux. Un chir. comme ça devrait plus avoir le droit d'exercer. Et il en existe encore des comme ça. Alors c'est pas des mythes qu'on nous raconte. Alors c'est vrai tout ça.. Et je l'ai vu de mes propres yeux.. Et tu crois que quelqu’un serait venu me voir après pour me dire que j’avais bien réagi ? Que dalle. Un coup de pied au cul et basta.
[Anecdote n°2] Le pyo, ça sent pas bon.
Pyo, c’est le petit prénom intime qu’on a donné au Pseudomonas aeruginosa. C’est une bactérie très méchante qui pdc. (=Pue Du Cul.) Et dans les deux sens du terme. Parce que comme dit ci-dessus, je supporte beaucoup d’odeurs mais il y en a d’autres avec lesquelles j’ai un peu plus de mal comme celle du méléna et.. du pyo.
Aux trans’ les collègues me disent qu’il faut que je rentre avec un masque et puis j’me dis que c’est des chochottes. Jusqu’au moment où j’ai passé la première porte. La patiente est en isolement donc il y a un petit sas pour accéder à la chambre. Et l’odeur envahissait déjà jusqu’à la première porte. Vint le moment où il a fallu que je refasse le pansement. Et plus j’appuyais, plus le pus sortait. (Bon app’ !) N’empêche que là, j’me suis sentie vraiment pas bien. Je commençais à tourner de l’œil, j'avais des remontées gastriques et des réflexes de renvoie, bref j'étais pas bien quoi. Mais impossible de sortir sans avoir fini mon pansement. Et bah j’peux vous dire que je faisais pas la fière..
J’ai donc découvert, pas plus tard qu'hier, une nouvelle odeur que je ne connaissais pas, que je ne supporte pas et dont je me serais bien passée.
[Anecdote n°3 ] La cicatrice rôti.
C’est l’histoire d’une appendicite. Tout aurait pu se régler très vite si la cicatrice n’était pas aussi immonde que ça. Que dis-je. Peut on appeler ça une cicatrice ? (C’est encore Dr I..) Alors là, il faut s’imaginer une cicatrice de vingt bons centimètres de long et.. dix centimètres de large. Oui parce qu’elle est ouverte ! Il y a, sans mentir, trois points de suture. Un en haut, un au milieu, un en bas et basta. Qui ne referment absolument pas la plaie mais qui évitent plus que le tube digestif de la patiente ait des envies d’évasion qu'autre chose.. Il y en a déjà un qui a pété sous la pression. Parce qu’en plus, la patiente est obèse. Donc quand elle se lève, je vous laisse imaginer la pression qu’elle exerce sur sa cicatrice..
Aux trans’ on me dit que la cicatrice est pas belle et qu’il faudrait que le chir. revoit ça quand même. Donc je déballe le bordel et là il rentre dans la chambre et balance un : "Oh bah c’est normal ça. Vous mettez un tulle gras, ça va bourgeonner." Bah oui t’as raison ! Mettons du tulle gras ! Comme ça, ça va bourgeonner n’importe où, n'importe comment et la cicatrice se refermera jamais et..
Non mais c’est vraiment dommage que j’ai pas de photos pour vous montrer parce que je sais pas combien d’entre vous vont me croire. Et puis c’est là que l’expression "Je crois que c’que j’vois." prend tout son sens parce que même moi j’y ai pas cru quand on me l’a dit.
Voili, voilou. C’était les aventures extraordinaires de Kyra l’infirmière. J’espère que ça vous a plu parce que j’ai dû réécrire l’article deux fois.. ! >< Et si ça vous a pas plu bah vous faites comme moi, vous cliquez sur la croix rouge en haut à droite et vous revenez plus jamais.