"Etudiante investie et conscience qui a su améliorer sa dextérité dans la réalisation des pansements, a su prendre en charge son groupe de dix patients, a fait preuve d'organisation dans son travail et s'est bien intégrée à l'équipe soignante."
17/20.
Ca, c'est la note et l'appréciation qui suit mon rapport de fin de stage.
Alors à la demande de mon Prince (Mais pas que.), je vais développer une partie de mon blog qui est là depuis longtemps mais dont je ne parle pas parce que je ne suis pas pédagogue. Alors je vais faire de mon mieux pour vous faire partager mon futur métier. Mon amour pour ces gens qui sont malades et qui ont besoin d'aide. De moi peut être. Parce que se sont eux qui me font avancer. C'est grâce à eux que j'ai l'impression d'être quelqu'un.
D'abord, un petit rappel sur mon cursus professionnel et le cheminement de cette vocation.
Tout commence en quatrième. Où j'ai su que je porterai une blouse blanche. Comme ma mère. Et mon grand père. Ma passion pour ma soeur et ma naïveté de gamine me pousse à vouloir être sage-femme. Sauf que ce que je ne savais pas, c'est que cette envie n'allait plus me lâcher. Alors en 2007, je passe et j'obtiens mon bac S. Je rentre à la fac médecine en octobre et puis j'ai pété un plomb. Parce que j'ai prit conscience que je n'avais pas le cerveau pour réaliser le rêve qui me poursuivait depuis presque six ans. Alors désespérée, je passe le concours d'entrée à l'école d'infirmières. Sans grande conviction parce que je ne m'étais mise aucune pression et que tout le monde me trouvait trop jeune pour être crédible devant le jury. Je l'obtiens quand même. Je rentre à l'école d'infirmière le 29 septembre 2008.
Pendant deux ans et demi, j'ai grandi, mûri. En deux ans et demi, j'ai prit en pleine gueule la maturité qu'il me fallait pour affronter la vie. Mon regard sur la vie a changé. Et tout ça, grâce à eux. A la pression énorme que je me suis mise. A l'enjeu que je me suis enfin fixé. Et au stress que cette formation apporte. Aujourd'hui je suis fière de mon parcours. Même si je ne serai satisfaite qu'une fois le diplôme d'état en main.
Aujourd'hui, après deux semaines de vacances plus que méritées, j'ai remit ma blouse blanche. C'est fou, mais c'est seulement une fois que je suis dedans que je suis quelqu'un.
J'ai retrouvé ma patiente. Madame B. C'est elle qui m'a offert des bananes et des clémentines parce que je m'occupe d'elle. Parce que des liens aussi forts qu'interdits se tissent.
Elle a changé madame B. Elle va rentrer chez elle. Le premier jour de mon stage, elle était perfusée, sous oxygène, déshydratée et on ne lui laissait pas plus de six mois. Mais moi, je suis pas tout le monde. Je suis pas ces infirmières qui font semblant. Qui ont perdu le goût du métier. Qui ne savent même plus pourquoi elles sont là. Et qui distribuent les médicaments comme des robots parce que c'est prescrit. Alors il a suffit d'un regard pour que je me dise que tant que je serai là, je me battrai avec elle jusqu'au bout pour qu'elle sorte d'ici. Ca prend du temps. Beaucoup de temps. Mais avec de la patience, de la persévérance et beaucoup d'amour, on gagne tout. On est donc à six semaines d'hospitalisation. Mais moi, je prends le temps. De lui parler. De m'occuper d'elle. Parce qu'au delà d'être une dame dépendante dans un lit, c'est une femme. Avec un coeur de femme, comme tous les autres. Qui a le droit à la dignité comme toutes les autres. Alors au lieu d'avoir la flemme et de l'infantiser en lui faisant une toilette au lit parce que c'est plus facile comme ça, je l'emmène prendre une douche. Même si ça prend une heure et demie. Comme cet après midi. Même si ça implique d'avoir mal au dos pour tous les transferts. Même s'il est pénible de tout prévoir. Mais pendant cette heure et demie, j'ai vu une femme. J'ai oublié la dame dépendante dans son lit. J'ai vu une femme heureuse, épanouie qui, à 86 ans, redécouvre ce que c'est la vie, ce que c'est le plaisir que procure une douche. J'ai vu une femme sourire. J'ai senti une main caresser ma joue. J'ai regardé des yeux remplis de gratitude. J'ai senti des lèvres hésitantes dans mon cou. Et faut juste le vivre pour le croire. Alors rien que pour ça, je lui en donnerai bien dix par jour des douches s'il le fallait.
Une glycémie capillaire, ça peut prendre deux secondes. Mais un peu d'humanité et de respect ne fait de mal à personne. Alors j'ai senti une femme un peu mieux dans sa peau quand je fais de ce moment un éclat de rire, une plaisanterie.
Parce que ce sont des gens dépendants, qui ont honte de leur maladie et se sentent gênés d'avoir besoin d'aide. Parce que le diabète, je souhaite ça à personne.
Et puis il y a monsieur H. Sourd, désorienté, aphasique et épuisant. Il est arrivé aujourd'hui. Entouré de son fils et sa femme.
Il est totalement désorienté ce monsieur. Parce qu'il n'a pas supporté l'anesthésie. Il parle de la guerre. Il est né le 18 juin en plus. C'est con.
Il s'est mis à pleurer sur les toilettes tout à l'heure. Parce qu'il se rend compte qu'il n'est plus celui qu'il était. Et j'ai mit plus d'une demie heure à le sortir de là. Il est désespéré ce monsieur. Il a juste besoin qu'on l'écoute. Il a juste envie qu'on prenne le temps d'écouter ce qu'on ne comprend pas mais qu'il a besoin de partager.
Alors je suis sortie de sa chambre et c'est après plusieurs minutes de réflexion en pesant le pour et le contre que j'ai fini par demander des contentions pour la nuit à l'interne. Parce que je sais que demain quand j'arriverai, il y a aura écrit "chute" dans les transmissions ciblées. Et ça, c'est s'il a eu encore de la chance. Sinon, il y aura écrit "Transfert pour fracture du col".
Je me rappelle de cette patiente qui flippait autant que moi pour ma msp. Et qui se désolait de plus être là le jour J. Alors pour nous consoler, elle m'a offert un flacon de parfum à la rose. Parce qu'elle m'a dit que ça me porterait bonheur. Malheureusement, ça n'a pas été le cas. Heureusement, elle ne l'a jamais su.
Et monsieur B, qui luttait plus contre lui que contre son sevrage tabagique. Qui est passé du déni à l'acceptation grâce à moi. Oui,
grâce à moi.
Et monsieur L, qui voulait un jus d'orange mais
"n'avait pas d'argent pour se le payer." Et à qui j'ai redonné le sourire avec un jus d'orange. Un jus d'orange, bordel. Un sourire. Un jus d'orange.
Et personne ne s'occupait de lui. Parce que c'était le vilain petit canard.
Alors voilà tout ce qu'on vit en une journée, peut être deux. Voilà tout ce qu'on ressent. Et ce ne sont là que des faits que je vous rapporte, mes faits. Jamais vous pourrez comprendre si vous ne le vivez pas. Jamais. Ce n'est pas du dénigrement, c'est juste la vérité. Malgré toute la force avec laquelle je vous raconte mes aventures.
Je suis actrice de ma vie à l'hôpital. Auprès d'eux. Les aider et y arriver, c'est ça qui me fait exister.
Alors sur le chemin de la maison, on peut pas s'empêcher de penser qu'on a été quelqu'un. Se dire qu'on a fait quelque chose de bien, de plus. Qu'on a été un sourire, une larme, des yeux pétillants, un baiser, une main tendue, un bonheur.
Apporter quelque chose à quelqu'un, c'est ça, exister.
Et puis monsieur L, madame R, madame J et monsieur P.
Matthéo (On clique s'il vous plaît.)
Tous ces gens que je n'oublierai jamais.
Tous ces gens aux côtés desquels j'ai lutté. Mais pas assez fort.