Île de Bréhat, 14 août 2013.
Mon voisin d'en face développe des troubles du comportement inquiétants. Il fait des bruits bizarres quant il est pas contenténervéencolère et ça arrive relativement souvent. Autrement dit, toutes les dix minutes. Tu sais, il fait un genre de "mvrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrrr" qui sort du fond de la gorge. Un peu comme quand ton père était vénère et qu'il se retenait de t'en coller une. Là, t'avais largement dépassé les bornes des limites.
A part ça, hier, après le boulot, petit craquage vestimentaire à 279€. Mais bon, avec tout ça j'ai quand même: Deux jupes, deux pantalons, deux pulls, une robe pull rouge, deux foulards à pois, un gilet delamortquitue et un collant rouge. Ouais, faut pas me laisser faire du shopping toute seule. Parce que comme j'arrive pas à me décider, je prends tout.
De toute façon, faut que je refasse toute ma garde robe. J'en ai un peu marre de mettre mes fringues du lycée.
En fait, plus tu vas mal, plus tu t'enfonces.
J'crois que tout ça, c'est pour avaler le message on ne peut plus clair de mon meilleur ami: "Ca me rend pas heureux que tu en sortes (Ndlr: de sa vie.) mais pour que ça marche (Ndlr: Sa relation avec sa pute.), il le faudra. Si ça foire ou que la même chose arrive de son côté, tu seras au courant." Non, du coup, j'suis même pas sûre de vouloir être mise au courant. Va crever.
Ou encore le procès que mon père intente à ma mère. Parce qu'il veut lui réduire la pension alimentaire alors qu'il est bourré de pognon à plus savoir quoi en faire, tout en se branlant les couilles tous les jours, parce que c'est dur d'aller bosser, pendant que ma mère se saigne aux quatre veines pour nous. Mais t'as cru quoi, connard ? Maintenant, maman et moi, on marche coeur dans le coeur et j'te laisserai pas la détruire une fois de plus. Alors ça fait un mois qu'on passe nos soirées à réunir tous les papiers qu'on peut pour monter un dossier en béton armé pour le 16 septembre. Enfin, entre deux hospitalisations de maman...
Ou encore, tous les messages que mon ex m'envoie pour savoir ce que je deviens. Cinq ans après, il a toujours pas lâché l'affaire.
Puis, il faudrait que je porte plainte contre mon grand-père pour tous les viols qu'il m'a fait subir. Mais comme j'ai dit à maman, ça réparera jamais rien. Jamais. Personne peut imaginer les dégâts que ça cause dans une putain de vie. Toutes les conséquences et toutes les proportions que ça prend dans ma vie actuelle.
Faudrait que je résilie mon forfait téléphonique.
Faudrait que j'écrive à mon amie d'enfance pour lui expliquer pourquoi. Pourquoi je suis partie. Pourquoi j'ai laissé mon grand-père agoniser à l'hôpital. Pourquoi c'est moi qui souffre le plus dans l'histoire. Pourquoi je leur en veux. A tous. D'avoir rien dit. Alors que tout le monde savait. Tout le monde.
Faudrait que j'écrive à mon géniteur pour lui expliquer pourquoi. Pourquoi je l'aime plus. Pourquoi je l'ai jamais aimé. Pourquoi je lui en veux de m'avoir jamais cru et de s'être tourné vers l'ennemi. Pour qu'il m'explique pourquoi il m'a frappée, ce soir là, et pas que celui là, et que maman a dû me mentir quand j'me suis réveillée, sonnée. Pourquoi il m'a broyé le coccyx, devant toute ma famille, un soir de Noël, alors que je jouais simplement avec ma petite soeur. Pour qu'il me dise pourquoi il a voulu un gosse si c'était pour le traiter comme ça. Pour lui dire à quel point il vaut mieux pas que je le vois, parce que je lui vomirais à la gueule.
Faudrait que je m'occupe de mon concours sur titre, aussi.
Faudrait que je prenne rendez-vous chez la gynéco, parce que mes saignements reprennent.
Faudrait...
Et demain, il se passera quoi, encore ?
[Ca y est, tu relativises ? Ou pas ?]