C'était aujourd'hui. J'y ai pensé toute la matinée et à 13h45, j'étais prête, devant la porte, attendant sagement la responsable. Dès qu'elle m'a vue, elle m'a fait un grand sourire, m'a montrée où je pouvais déposer mes affaires et m'a donnée une veste de la Croix Rouge bien orange fluo que vous avez forcément vu un jour ou l'autre. Et j'étais fière.
J'ai rencontré deux charmantes dames, C. et D. qui sont là depuis trois ans et six mois. Et S. une étudiante qui était en stage et qui finie demain donc je n'aurai malheureusement pas l'occasion de la revoir. Elles m'ont tout de suite montré ce que je devais faire. J'avais l'impression d'être là depuis toujours. Il y avait des sacs entiers de vêtements à trier et à ranger. On check les fermetures éclair, les poches et la propreté. Si le linge rempli tous les critères, on le plie et on range. Il y a de tout. De la vaisselle, des jouets, des chaussures, des vêtements, des bijoux.. Une vraie caverne d'Ali Baba. Et pendant qu'on fait ça, les personnes viennent trouver leur bonheur. Tous les tarifs sont écrits alors la personne vient, on compte, on annonce le prix et on rend la monnaie. Il y a même de l'alimentation.
Il y a des personnes de tous les âges et de tous les rangs. Mais ce sont de pauvres personnes qui ont tellement besoin de chaleur et d'attention. J'ai vu une jeune mère avec un bébé dans les bras et son compagnon en chaise roulante, j'ai vu cette bande de jeunes des rues avec leurs chiens et leur odeur corporelle d'alcool, j'ai vu cette dame avec ses dix enfants qui attendaient dehors. Ce sont des habitués, des gens que tu dévisagerais dans la rue et au final, tu te prends une grosse claque quand tu les retrouves ici et qu'ils te racontent un peu leur vie. Alors j'étais joyeuse, j'avais le sourire, prête à me casser la gueule de mon tabouret pour attraper une couverture perchée à trois mètres du sol. Et ils te le rendent bien, mine de rien.
Et j'ai rencontré une femme formidable qui a tout perdu après que son mari l'ai foutu à la porte du jour au lendemain sans rien. Alors elle essaie de se reconstruire petit à petit, elle commence à s'équiper pour l'hiver, elle a trouvé un sommier mais il lui manque un matelas. Et elle rêve d'un écran plasma, d'un canapé d'angle avec plein de coussins et de chandelier à la Louis XV.. Elle m'a fait sourire quand elle m'a dit qu'elle recherchait "une robe de chambre sexy, romantique et qui a du STYLE" .. Elle est restée presque deux heures pour discuter avec nous. On a rit, on a bu un café, elle a cherché LES vêtements qui lui plaisaient et qui la laissaient coquette même pauvre. C'est ça ce qu'elle veut, rester belle sans montrer qu'elle est pauvre. Elle veut rester une femme malgré tout, sans perdre sa dignité.
Et je suis repartie vers 17h30, j'ai fait le bilan de ma journée sur le retour et j'me suis dit que merde, ya toujours pire que soit. Et qu'il faut arrêter de se prendre la tête pour des conneries et j'me suis prise une grosse claque dans la gueule. Et ouais, ça fait du bien.
J'y retourne mardi et jeudi prochain et j'ai hâte, tellement hâte.