J'voulais vous dire combien c'est difficile à vivre, d'être infirmière et surtout au chômage. D'abord, il faut savoir que j'accepte très mal ce mot. Parce que pour moi c'est synonyme de fainéantise. J'suis peut être butée mais pour moi, c'est comme ça. Les gens qui sont au chômage sont des fainéants. Point barre. Vous avez le droit d'avoir votre opinion, j'ai le droit d'avoir la mienne. Parce qu'en dépit de ma galère, je garde espoir de m'en sortir.
Alors ok, il y a ceux qui sont malades, il y a ceux qui se sont fait virer contre leur gré, il y a ceux qui cherchent réellement du boulot, il y a ceux qui vont s'en sortir. Et il y a surtout les autres. Ceux qui représentent 90% des chômeurs.
J'ai donné toute mon énergie dans mes trois ans et demie d'études. J'ai tout sacrifié ou presque. On m'a toujours répété qu'au moins, dans ce milieu là, je n'aurai aucun soucis à trouver du travail. Mais les gens n'y savent rien. Parce qu'ils sont pas dans le milieu. Parce que ce sont des "on dit" que tout le monde a acquis alors que c'est complètement faux. Parce que ouais, c'était le cas il y a cinquante ans. Mais allô les gens, on est au XXIe siècle. Celui où tout le monde galère pour vivre et que fouiller dans les poubelles ne me choquera plus demain. Parce qu'aujourd'hui, dans n'importe quel métier, tu passeras forcément par le chômage. Même si t'as bac+10. (Et d'autant plus si t'as bac+10..) Même si t'as la rage de vaincre. Même si tu serais prêt à bosser jour et nuit. Même si t'as sucé le directeur pour être femme de ménage dans son bureau. (Quoi je vous choque ?) T'as vu ça où toi, qu'on donnait la chance aux jeunes dynamiques et motivés ? Hein ? La France est criblée de dettes jusqu'au cou, c'est pas pour créer des postes ou remplacer les départs à la retraite. Ca coûte bien trop cher tout ça. On préfère laisser les postes vides, donner trois services à l'infirmière de garde, laisser les gens attendre une nuit entière aux urgences et donc augmenter les risques d'erreurs médicales, diminuer la qualité de la prise en charge du patient, ça devient l'usine, à la chaîne. Ca tombe bien, moi qui privilégie le côté psychologique et relationnel de la prise en charge, si j'ai le temps de rester deux minutes dans la chambre du patient pour lui donner ses antalgiques et lui faire sa piqûre d'anticoagulant, c'est bien tout. "Vous savez, j'ai un cancer de l'utérus, je vais peut être mourir dans trois mois." Hier, j'aurais prit le temps de m'asseoir et discuter. Aujourd'hui, je fais semblant de compatir et je m'en vais. Parce qu'il y a dix neuf autres patients qui m'attendent et que j'ai qu'une heure pour faire mon tour de garde. Ouais, t'as bien compté, ça fait une moyenne de trois minutes par chambre.
Ouais c'est grave. Je viens d'avoir mon diplôme et je me demande déjà de quoi sera fait mon lendemain. Je me demande déjà si je vais pouvoir boucler ma fin du mois. Je me demande déjà comment je vais vivre.
Et je vous passe le côté dégradant au possible du: "Mon mec est en stage, il gagne plus que moi." Parce que ça aussi je le vis très mal. Encore plus mal que le reste,
Vous voulez que j'vous dise comment je travaille ? On m'fait des CDD de deux jours. On m'appelle à midi pour être au boulot à treize, sachant qu'il me faut quarante minutes pour y aller. On m'appelle la veille pour me prévenir qu'il y a pas d'infirmière dans l'autre service et que c'est à moi de gérer les deux étages. Ma cadre m'envoie des sms pour mes changements de planning. "Qlques chgts si tu px. A 2m1." Ouais d'accord, à deux pieds aussi ? Et moi je cours. Je dis "Amen" sans rechigner. Parce que j'ai besoin de vivre. Parce que je peux pas me permettre de me la jouer à la"Ouais mais non parce que j'suis pas ton chien." Et après ça ? Même pas de remerciements, aucune gratitude, aucune reconnaissance. Quand on a plus besoin de moi, on me le fait comprendre à coups de pied au cul. On me donne quatre jours de boulot pour le mois d'avril. T'y crois à ça ?
Ca c'est la mentalité de la clinique, après ya l'hôpital. Qui me fait passer un entretien, me promet un poste et pour qui j'attends toujours l'appel depuis décembre.
Et tu veux connaître la meilleure ? C'est que je peux pas faire de demandes aux ASSEDIC parce que je suis pas considérée comme "à la recherche permanente et effective d'un emploi" parce que je suis le cul entre deux chaises. Parce qu'on me prend, on me jette, on me prend, on me jette. Et que je préfère bosser deux jours dans le mois que rien du tout. Parce que je vis très mal le mot "chômage". Parce que le chômage, c'est pour les fainéants. C'est pour les gens qui préfèrent la facilité. Alors non, je refuse de m'inscrire à Pôle emploi, recevoir le SMIC et attendre comme ça que ça passe.
J'suis écoeurée. Je suis arrivée dans la cour des grands, pleine d'espoir, d'ambition, de motivation. Ca faisait vingt deux ans que j'attendais ça. J'pensais qu'après avoir galéré comme je l'avais fait pour avoir mon diplôme, c'était que du bonheur après mais putain si j'avais su, j'aurais mit dix ans de plus pour l'avoir ce putain de diplôme. Parce que maintenant, j'suis là, je demande que ça d'aller bosser mais personne m'en donne les moyens.