Mercredi 6 juillet 2011 [0:57]

Ce soir, je viens me confesser. Parce que oui, mon futur métier, c'est toute ma vie mais il faudrait que j'arrête parfois de croire qu'il est parfait. Et que je le suis aussi. 
Parce que oui, il y a tout ce que je vous raconte. Toutes ces choses qui n'ont pas de prix, qui ne s'expliquent pas, ces liaisons interdites, ces satisfactions personnelles et ce côté wonderful parce qu'être infirmière c'est le rêve de toute petite fille qui se respecte.

Mais il y a aussi le côté obscur de la chose. Ca dépend des services, il faut dire ce qui est.
Je rencontre des gens formidables. Malades mais formidables. Parce que derrière leur maladie, il y a des êtres humains. Comme vous et moi. Alors avec eux, c'est un plaisir de travailler, les choses se font naturellement et je serais prête à me faire engueuler pour eux. Parce que j'en fais trop.

Et puis il y a les autres. Ceux qui arrivent à me faire perdre patience, à me pousser à bout. Parce que oui, ils existent. 
Parce que reposer une sonde urinaire tous les jours parce qu'elle a été arrachée, c'est pénible. Répéter trois mille fois les mêmes choses, c'est saoulant. Retrouver quelqu'un avec du caca partout sur les mains, les bras et jusqu'en haut du dos alors qu'on vient de le changer, c'est rageant. Essayer de rassurer quelqu'un qui veut des ciseaux et sauter par la fenêtre et qui t'écoute, par conséquent, absolument pas parce qu'il pleure et hurle, c'est épuisant. Alors oui, il m'est arrivé de m'énerver contre ces gens là et d'hausser la voix. Parce que j'ai perdu patience. Parce que j'ai atteint mes limites. 
Mais tous les gens dont je viens de vous parler au dessus sont décédés. Tous. Et pour tous, j'ai chialé comme une conne. Parce que vous n'imaginez pas toute la culpabilité qui s'empare de vous. 
Mais il est trop tard. Parce que c'est toujours après qu'on réalise. Qu'on se rend compte qu'on a été trop loin.
Parce que tous ces gens, avant d'être malades, c'étaient des êtres humains. C'est pas de leur faute s'ils sont devenus comme ça. C'est souvent neurologique et ils ne se rendent plus compte. Le monsieur que j'ai retrouvé dans son caca et dans son pipi, il avait juste pas compris qu'il avait une sonde urinaire et qu'il fallait pas toucher la poche sinon, ça inondait le lit. Et j'avais beau lui répéter tous les jours, lui montrer, les démontrer par x et y qu'il risquait pas de faire pipi dans son lit puisque ça se collectait tout seul, bah non. Et puis un jour, il a tout arraché. Et là, je me suis énervée. Parce que j'ai pas compris pourquoi il avait fait ça alors que chaque jour je mettais toute mon énergie à lui expliquer. Et en fait, j'ai juste pas accepté sa maladie. Parce que oui, le déni pour les soignants, ça existe aussi. J'avais juste pas compris que j'aurais beau lui expliquer, il n'enregistrerait pas.
Je ne me cherche pas d'excuses parce qu'il y en a pas mais c'est comme ça.

Et aujourd'hui, je regrette tous ces accès de colère. Toutes ces fois où ma patience a dépassé ses limites. C'est humain vous allez me dire. Mais quand on est soignant, on est censé savoir contrôler et gérer ces choses là. C'est pour ça que jamais je pourrai travailler avec les personnes âgées. Parce que c'est pas que je n'ai pas de patience. C'est juste que je n'accepte pas (encore ?) que les gens vieillissent et perdent leurs capacités mentales.

Ce soir, je quitte définitivement mon service avec beaucoup de regrets et de culpabilité.

Commentaires

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Par Bavareine le Mercredi 6 juillet 2011 [17:05]
Très honnêtement ... Je ne pourrais pas :/ Malgré tous les bons moments que cela entraîne aussi. J'suis pas faite pour ça. :s
Par Lenia le Mercredi 6 juillet 2011 [17:16]
Qu'on soit jeune ou vieux il y a toujours des choses que nous n'enregistrons pas pour diverses raisons (on pense à autres choses, on ne se sent pas concerné, etc...). Mais arrive toujours un moment, que généralement on se prend en pleine tronche, où on comprend enfin ce que les autres on voulu nous dire. Et si ce n'est pas les autres, c'est notre corps qui nous rappelle à l'ordre. Et le fait de travailler tous les jours avec des êtres humains (malade ou pas de toute manière c'est pareil) qu'ils soient gentils ou pas, compréhensifs ou pas, on s'attache à eux quand même, quoi qu'on fasse, quoi qu'on leur dise et quoi qu'il arrive surtout. Alors malgré les mots que tu as pu avoir contre certaines personnes, je comprends parfaitement que le jour de leur départ tu as pleuré. C'est humain oui, mais surtout cela montre que derrière ta carapace d'infirmière wonder woman tu as un coeur, une sensibilité. C'est le jour où tu n'auras plus ces larmes et le coeur lourd qu'il faudra te dire qu'il sera peut être temps de quitter ce métier même s'il te tient tant à coeur. Mais j'ai confiance et je pense que ce jour n'est pas prêt d'arriver !

merci pour ton com' au fait je l'ai adoré ! Savoures bien la dernière part de crumble ^^

Bisous ma Belle.

Lenia
Par maud96 le Mercredi 6 juillet 2011 [19:48]
Un bel article... mais que je suppose si vrai (je rejoins en Bretagne une tante infirmière, qui m'en raconte aussi)
Oublie et bonnes vacances !
Par littlestarintheskin le Mercredi 6 juillet 2011 [23:47]
Ma sœur le fait, elle travail dans les personnes âgées. Elle nettoie les gens, elle les accompagnen jusqu'à leur dernier souffle. Et c'est vrai elle n'est pas infirmière, elle a juste une aide a domicile mais travail principalement en maison de retraite. Elle aime sa, elle a de sens de l'écoute, cette patience que je n'ai pas. Parfois bien sur elle craque, parce que c'est dure, parce qu'il y des gens qui s'en vont. Parce que parfois certains patients, certaines personne âgées sont plus difficilement maitrisable que d'autre. Tout cela ne fait pas de toi une personne horrible mais un être humain... Les personne âgées c'est dures, mais ne pas le faire faire ne fait pas de soit quelqu'un qui n'est pas fort. Au contraire. Chacun ces forces, ses faiblesses... Dans tout il y aura des bons commes des mauvais moments. Dans ce genre de cas on choisit son métier par passion. Je reste admiratives parce que je ne saurais jamais faite ce que tu fais, ni ce que la sœur fait. Crois en toi! Tu es une bonne personne et ces personnes qui sont devenus des étoiles le savent!
Par Retiens.moi le Jeudi 7 juillet 2011 [21:52]
Ohh, Merci pour ton dernier commentaire. Il m'a sourire sourire. ça touche beaucoup :)

Comment accepter que des personnes qui autrefois avaient une vie se sont retrouvées comme ça? En tant qu'être humais, soignants, ce n'est forcément facile à accepter, peut-être qu'on ne l'accepte jamais d'ailleurs. Etre avec des personnes grabataires, dont l'issue est la mort la plupart du temps, les cotoyer, les accompagner, les rassurer, les soigner ça ne va pas de soi. Il faut cette vocation, ce désir de donner, d'aider, de recevoir aussi, et on finit par s'attacher ... On est pas parfait non plus, on a tous nos limites, un trop-plein qui n'en peut plus de se contenir. Tout le monde réagit à sa façon et on ne peut pas toujours contrôler ses émotions.

Des bisous, et puis une chose est sûre, c'est que ce métier, d'après la façon dont tu nous racontes ce que tu vis, il est fait pour toi et que malgré les coups durs, tu y arriveras et tu y arrives sans doute déjà très bien. :)
Par LilyCrapule le Vendredi 8 juillet 2011 [23:10]
Ne culpabilise pas, tu as un cœur et c est normal, tu fais ce que tu peux et le reste tu n y peux rien.
Je te mail une photo ;)
Par Karolyne. le Lundi 11 juillet 2011 [11:17]
Dis, Kyra, quel âge as-tu ? Vingt ans ? Tu as choisi de devenir infirmière et de consacrer ta vie aux autres, à leur santé, à leur bonheur. Quel culpabilité peux-tu t'attribuer ? C'est dur, de s'affronter à la douleur des autres, de voir les autres souffrir, surtout quand on est si jeune. Je ne connais pas encore ce que tu vis, ce que tu rencontres chaque jour, j'espère que je le connaîtrai un jour. Mais.. Trois ans, c'est très court pour acquérir toutes les qualités dont on a besoin pour exercer ce genre de métier. C'est normal, la perte de patience, la colère, l'angoisse, la peur. C'est normal, les larmes devant la mort. C'est normal de craquer. Ces personnes sont des êtres humains, tu le dis bien, oui, et justement parce qu'ils sont des êtres humains, ils doivent se comporter comme tout autre être humain, dans le respect des autres. La maladie n'excuse pas, Kyra. Il y a des choses qu'il ne faut pas accepter. Peut-être que ça ne vaut pas pour l'exemple dont tu parles, peut-être que cet événement est vraiment dû aux conséquences de la vieillesse et pas à la volonté propre du malade (mais je suis certaine que certains patients dépassent les limites volontairement.) En tout cas, garde en mémoire que tes réactions sont on ne peut plus normales. La maîtrise de soi est longue à acquérir et il y a des situations que tu ne sais pas encore gérer.. Je m'emmêle un peu les pinceaux dans ce commentaire mais j'espère que tu as compris l'idée de fond.. :) Bon courage pour la suite !
 

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