Cerise-Peche-Abricot

Aujourd'hui, après ma journée de boulot et comme toutes les autres, j'ai regardé négligemment si j'avais du courrier dans ma boite aux lettres. De la pub. Et une lettre. Une seule. Au milieu de ce bordel organisé que représente la montagne de pubs qui envahie la boite qui sert de dépose courrier tout le mois de décembre. Toute simple. Toute neutre. Ce n'était pas le genre de lettre que je reçois d'habitude. Mes factures diverses et variées. Mes relevés de mes trois mille comptes en banque. La sécurité sociale. Bref. Toutes les lettres que l'on a l'habitude de voir parce qu'on les reconnait rien qu'aux en-tête. Mais celle-ci était différente. Trop blanche. Pas de timbre. Sur le cachet, j'ai lu "Côtes d'Armor." Et mon coeur s'est mit à battre tellement fort qu'elle est tombée de mes mains. Sous les -4°C que comptait le thermomètre, j'ai enlevé mes gants et j'ai tout arraché. Puis j'ai vu le logo de l'hôpital. Celui que j'ai croisé tant de fois en fouillant internet pour trouver les bons numéros, les bons contacts. Et là, mon coeur a failli s'en aller. Puis j'ai déchiré l'enveloppe pour la sortir, cette fichue lettre. Et les premières lignes m'ont fait fondre en larmes.
 

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[...], le 15 décembre 2010

Objet: Demande de stage.

               Mademoiselle A.,

   Suite à votre demande, je vous informe qu'il sera possible de vous accueillir en stage sur le CMPEA* de [...] du 14 mars au 29 avril 2011.
 

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*Centre Médico-Psychologique pour Enfants et Adolescents.
 

Je me suis arrêtée là. C'était déjà bien trop pour mon pauvre coeur qui battait tellement fort que je le sentais à travers ma poitrine.
Le reste, c'était les formalités. Ce que je dois faire. Le train train quoi. Appeler Monsieur Untel pour fixer un rendez-vous. Faire signer les deux conventions de stage. Blabla quoi. C'est la suite de ma chasse au trésor. Cette lettre, c'était la suite de mon énigme. Avec LE numéro que j'ai jamais trouvé. LA clé du bonheur.
Alors je dois le rappeler lundi ce fameux Monsieur M.

Oui, j'ai l'air calme là. Mais dans ma tête ça bouillonne. Parce que j'ai reçu la plus belle lettre de toute mon existence. (Non, je n'exagère pas ! ><) Cette lettre qui m'invite au paradis pendant sept semaines. Cette lettre que j'attendais depuis le 27 novembre. Cette lettre dans laquelle j'ai mit tous mes espoirs de survie. Cette lettre.

Parce que si vous saviez tout ce qu'elle représente pour moi. Hormis la fierté de m'être faites embaucher.
Tout ça, ça veut dire que pendant sept semaines, je vais aller vivre chez Poupinou. Avec Poupinou. Que pendant sept semaines, je vais m'endormir dans ses bras. Que pendant sept semaines, on va se réveiller ensemble. Que pendant sept semaines, on va se retrouver chaque soir après notre journée pour se la raconter. Que pendant sept semaines, je vais oublier ma vie autarcique que représente ma ville et sa routine. Que pendant sept semaines, je vais revivre. Que pendant sept semaines, je vais vivre une autre vie que celle que je peux plus supporter ici.

Alors voilà. Après la pluie, le beau temps. Tout le monde le dit, mais ça n'arrive jamais. Moi, j'y croyais plus. Et puis.. Est ce qu'il est enfin l'heure pour moi d'avoir droit au bonheur ? Je sais pas. Je sais plus. Je réalise pas en fait. Même si je suis excitée comme c'est pas permis. Que je sauterais dans les bras du premier que je croise. Que je hurlerais mon bonheur à tue tête dans la rue. C'est juste trop pour une si petite personne comme moi. Qui est habituée au minimum vital. Ouais, après tout, beaucoup me dirait: "Hey ! C'est qu'un stage hein. Oo" Mais non c'est pas "qu'un" stage ! >< Pour beaucoup oui. Pour moi non. Parce que c'est sept semaines au paradis. Sept semaines de délivrance. Sept semaines à respirer autre chose. Sept semaines à vivre autre chose. Sept semaines durant lesquelles je serai moi. Sept semaines.

Alors oui, comme d'habitude, ça contraste avec l'article du dessous. Mais comme d'habitude, on peut rien prévoir au lendemain. Et comme d'habitude, mon Noël commence beaucoup trop tôt.