Vendredi 7 janvier 2011 [16:41]

Papa, t'es parti..

18h19: Maman m'appelle. J'étais retournée en cours après mon rendez vous parce que j'avais décidé de me battre. Contre quoi ? Cette maladie qui n'en est en fait pas une ? Grossesse nerveuse. Pff, ca veut rien dire. J'veux pas d'enfants.
Je décroche quand même. Dans l'amphi. Parce que c'est maman: "J'suis en cours, j'te rapelle après."

18h34: Je la rappelle, donc. Epuisée de ce cours qui n'en finissait pas mais avec un sourire qui, je ne le savais pas encore, allait s'éteindre aussi vite qu'il était apparu. "Maman t'as l'air bizarre, qu'est ce qu'il se passe ?"

Je marche, je t'entends mais t'écoute à demi. Juste de quoi capter le principal. Je raccroche. Oh, elle ne m'en voudra pas, c'était pas méchant. Mon téléphone est serré dans cette main qui ne peut plus se rouvrir. A cet instant précis, ça va encore. Je vis un rêve, je vais me réveiller. C'est sûr. Tout va bien. J'ai tout de même envie d'appuyer sur le bouton "marche/arrière". Ca vibre. Tant pis. Je vois ces gens dans la rue qui me regardent parce que je pleure toutes les larmes de mon corps. J'envie leurs bonheurs et leurs vies tout à coup. Avant ça allait encore, j'arrivais à gérer. J'espérais avoir assez touché le fond pour être épargnée cette fois.

Je décroche enfin. Lui pose toutes les questions qu'il faut et auxquelles j'ai besoin de trouver des réponses rapides, claires et précises. Je m'en doutais t'manière. Pourquoi je le prends comme ça ?
Parce que ma soeur et mon frère l'ont bien prit. Et moi, la soeur aînée, celle qui est censée montrer l'exemple et prendre le dessus, je m'écroule. Telle une merde qu'on ne peut plus ramasser. J'essaie de trouver tous les côtés positifs, mais il n'y en a pas. Quelqu'un(e?) m'a prit mon père. Mon coeur avec, en le fendant au passage. Histoire que se soit irréversible.
Parce que même s'il n'était jamais là, ne s'est jamais (pré)occupée de moi, ne savait rien de ma vie, me disait à peine bonjour le matin quand on se croisait dans la cuisine, c'était mon père.
On avait UNE "passion" en commun: Yannick Noah. C'était la notre. On chantait ses chansons à tue tête et on en chialait dans la voiture. Il m'avait promis de m'emmener à un de ses concerts. Aujourd'hui, je sais que ça ne sera plus possible. Encore une promesse non tenue. Une de plus.

Parce que je t'en veux petite garce ! Tu vas me le payer cher. T'avais pas l'droit d'me prendre mon papa. Le premier homme de ma vie. Celui qui a posé un premier regard sur moi. Celui qui résumait ma fierté en un seul mot: Papa.

Parce que c'était elle, eux et moi. Personne d'autre.

Parce que ma soeur est pas là. Et puis de toute manière, je vais pas jouer les gamines en l'appelant pour trouver un minimum de soutien. La honte.

Papa putain ! T'avais l'air bizarre dimanche dernier. Tes paroles étaient trop douces. Le ton de ta voix était trop monotone. Tes questions sur ma vie trop indiscrètes. Je t'ai demandé si tout allait bien, tu m'as dit que oui. Sans vouloir me dire où tu étais. C'était pas toi. Ca ne te ressemble pas. Fallait que je te rappelle début août parce que tu voulais manger avec moi. Je sais maintenant que ça ne sera plus possible.
Papa, mon coeur saigne. Je t'ai perdu. Ton coeur s'est étendu maintenant et je dois me taire. Accepter. Partager. En espérant simplement que ça n'aille pas plus loin.

Parce que je sais, c'est mieux comme ça. C'est d'ailleurs ce que Pinou m'aurait dit. Mais c'est pas ça qui compte. C'est que maintenant, yen a trois de plus dans ton coeur. Des inconnus. Je ne les connais pas et je ne veux même pas en entendre parler.

Parce que tu as laissé maman toute seule. Avec eux. Et moi.

Et maintenant ?

Parce que papa, je t'aime encore. Tu me fais mal. Tu ne veux pas ça. N'est ce pas ? Papa, reviens. Papa, réponds !

.. Avec elle.

[Et le 17 août 2009, tu es mort et je t'ai enterré.]

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Commentaires

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Par Ambrella le Vendredi 7 janvier 2011 [18:11]
Je ne sais pas si ceci est vrai, ou si c'est une fiction.
Mais peu importe dans le fond car ces mots m'ont mise les larmes aux yeux, même si personnelemment avec mon père ça ne va pas du tout, tes mots sont douloureux, transperçant.
Alors j'espère que ce n'est que fiction, et cela ne l'est pas je dirais simplement que mes pensées te soutiennent.
Et que le temps aide à vivre mieux avec les douleurs passées même si celles ci nous sont sans cesse remémorée.
Par Kyra le Vendredi 7 janvier 2011 [18:17]
Si cela avait été une fiction, je l'aurais rangé dans "ma vie inventée". :)
Merci pour ton si gentil mot. :)
Par maud96 le Vendredi 7 janvier 2011 [21:18]
Cri de souffrance et de nostalgie à la fois ! un beau texte...
La famille, c'est la matrice de notre vie, de nos sentiments... tout ce qui la fissure est une déchirure...
Par Bureau.Des.Plaintes le Mardi 11 janvier 2011 [23:16]
Je compatis car je "connais". C'est dingue comme un coup dans la gueule tel que celui là pousse à écrire.
Par Lovely.Nights le Vendredi 18 février 2011 [8:31]
ça devrait pas se passer comme ça. Nos parents devraient être vieux quand on leur dit au revoir. Moi-même, j'ai eu des années difficiles avec lui, mais maintenant on est proche et je me rends compte à quel point il me manquait. Je suis vraiment désolée pour toi. Mais je pense à une chose : même si vous n'utilisiez pas les mots, je suis sure qu'il savait à quel point tu l'aimais.
Par Heart-In-Throat le Jeudi 12 juillet 2012 [12:39]
♥ Je n'ai pas de mots... Je comprends ta douleur. La mienne n'est pas aussi forte, plus aussi forte en tout cas. Et ma soeur m'a appris qu'il s'était trouvé quelqu'un et c'est à mourir de rire, faudra que je te raconte ça dans un mail, parce que c'est vraiment drôle... !
 

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